En 1999, quelques jours après notre arrivée aux USA, j’accompagne la plus jeune de nos adolescentes dans un magasin de bijoux mode, situé dans l’État du Delaware. Le coût du collier convoité s’élève à 9,99 $ US.
Geneviève tend donc 12$ au caissier. Pourquoi douze? Car, dans son jeune esprit de consommatrice, élevée depuis sa naissance dans un contexte d’innombrables ponctions gouvernementales, ma douce progéniture est convaincue qu’une taxe automatique de 15,56% (taux combiné de la TVA canadienne et de la TVA québécoise) s’ajoute au prix de tout bien et service.
Le caissier ne prend que dix dollars et remet même un sou à Geneviève, avec le coupon de caisse indiquant une transaction totale de 9,99 $.
Question fiscale
Celle-ci demande alors: « Et les taxes? ». Le préposé lui répond: « Il n’y a pas de taxe de vente au Delaware ».
Ahurie, abasourdie, confondue, déconcertée, décontenancée, démontée, ébahie, ébaubie, éberluée, embarrassée, estomaquée, étonnée, impressionnée, interdite, interloquée, pantoise, perplexe, renversée, stupéfaite, surprise, troublée: voilà en peu d’adjectifs comment se sent Geneviève, du moins selon ce que révèlent ses yeux écarquillés.
« Comment ça, pas de taxe? ». Geneviève n’en revient pas. Elle pose la question au moins trois fois, convaincue que son ouïe lui joue des tours. La réponse du caissier est patiemment invariable.
Conséquence fiscale
Cette courte révélation fiscale se veut le début d’un long malheur parental.
Durant les cinq ans qui suivent ce triste événement, je suis hebdomadairement condamné à véhiculer mes adolescentes vers ces immenses centres d’achat, abritant des milliards d’objets parfaitement inutiles mais totalement libres de taxe.
Le Delaware
Imaginez la situation: au Delaware, aucune taxe de vente n’est exigée des consommateurs. Que ce soit pour l’achat d’une télévision, une coupe de cheveux, un repas au restaurant, peu importe. Ce minuscule État de la côte est américaine tire ses revenus d’une autre source.
Grâce à des lois corporatives et fiscales fort avant-gardistes, le Delaware est un paradis pour la création de sociétés. Donc, tout le monde crée sa société ici. Considérant les entrées faramineuses d’argent provenant de cette source, la taxe de vente n’a pas sa raison d’être.
Dans la région, le marché noir n’existe pratiquement pas. Personne n’a intérêt à sauver des taxes qui n’existent pas. Par conséquent, le gouvernement n’a nul besoin d’inonder les ondes télévisées et de placarder les imprimés d’annonces choquantes, reprochant aux consommateurs de tout faire pour ne pas payer des taxes abusivement élevées.
Au niveau résidentiel, les propriétaires doivent annuellement acquitter une taxe municipale et une taxe scolaire. Toutefois, le montant de ces taxes ainsi que les intérêts sur prêt hypothécaire sont déductibles du revenu annuel.
En d’autres mots, dans notre coin des USA, les taxes sont inexistantes ou, à défaut, déductibles…
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