Suite à l’élection présidentielle américaine tenue en l’an 2000, on se rappelle que la Cour suprême des États-Unis a en quelque sorte octroyé l’occupation de la Maison Blanche au candidat George W. Bush plutôt qu’au candidat Gore. D’innombrables Américains ont alors proposé d’abolir le principe immémorial du suffrage universel.
En effet, la question suivante s’est imposée de façon toute naturelle: « Pourquoi tenir des élections si la Cour suprême peut nommer notre dirigeant suprême? »
Autrement dit, pourquoi dépenser tant d’argent et déranger tant de monde quand un minuscule groupe de personnes, au sommet de la justice, peut s’occuper de cette formalité en quelques heures, à une fraction du coût original?
Neutralité interdite
Pour quelqu’un qui aspire à la magistrature aux États-Unis, il est presque impossible, pour ne pas dire interdit, d’être neutre au niveau politique. Le candidat-juge doit obligatoirement être d’allégeance républicaine ou démocrate. En plus, cette partisanerie doit être connue du public. Les potentiels gens de robe doivent donc préalablement faire partie de l’environnement politique.
C’est d’ailleurs ce qui complique singulièrement la tâche du président américain lorsqu’il doit combler une vacance au sein de la magistrature fédérale. Le candidat nommé par le président doit d’abord subir une audition devant le Comité judiciaire du Sénat. Puis, cette nomination est soumise au vote des membres du Sénat. Si l’individu pressenti est membre du « bon » parti mais que la majorité des membres du Sénat portent une étiquette politique différente, la nomination présidentielle est susceptible d’être rejetée. Et ce malgré tout le mérite du candidat concerné.
Au niveau des États, la situation est assez particulière. En effet, plusieurs juges sont… élus par la population!
Dépliants publicitaires
Tout comme les politiciens traditionnels, les candidats juges doivent faire une campagne électorale. Généralement, leurs dépliants publicitaires et leur site web comptent plusieurs pages aux couleurs vives. Sont affichés la photo et les faits d’armes des candidats, d’allégeance républicaine ou démocrate.
Certains slogans électoraux sont particulièrement troublants. Par exemple:
« Au début des années 1990, il n’y avait aucun Républicain au plus haut tribunal de Pennsylvanie. Cette élection peut modifier l’orientation de ce tribunal et l’empêcher d’être un tribunal activiste, qui néglige le jugement du peuple et du législateur, et qui y substitue son propre jugement. »
« Maintenant plus que jamais, des juges sévères signifient une Pennsylvanie plus sûre. »
Les dépliants sont accompagnés d’une version « améliorée » du bulletin de vote, comportant le nom de tous les candidats (républicains ou démocrates), la date du jour fatidique et les heures d’ouverture du bureau de vote – généralement de 7h00 à 20h00 -. En plus d’indiquer qu’il est protégé par copyright, cet aide-scrutin comporte une mention sans doute destinée aux électeurs à la mémoire vacillante:
« Vous avez le droit d’apporter ce bulletin de vote dans l’isoloir avec vous. »
En toute justice
Si je désire contester une contravention gracieusement offerte par un policier en uniforme, pourrai-je choisir d’être entendu par « mon » juge, auquel je rappellerai candidement que mon vote était parmi ceux l’ayant porté au pouvoir… judiciaire?
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